COMMUNIQUÉ DE PRESSE

– 28 septembre –

Les organisations de la musique interpellent le gouvernement : «FINANCEMENT DE LA CRÉATION MUSICALE: QUE SACRIFIE-T-ON?»

À compter du 1er janvier 2023, les ressources dont disposera le Centre National de la Musique (CNM) ne lui permettront plus d’assurer les missions qui lui ont été confiées par la loi, au risque de déstabiliser l’ensemble de la filière musicale et des variétés. Les organisations professionnelles et organismes de gestion collective représentant la musique enregistrée et le spectacle ont interpellé les pouvoirs publics et proposé une solution de financement pérenne, sans obtenir de réponse claire. Comment, trois ans à peine après la création de la « maison commune » de la musique, le gouvernement peut-il ainsi abandonner la filière musicale ? Quelle est sa vision pour le secteur ? Telles sont les questions que posent aujourd’hui le PRODISS, l’UPFI, la SPPF, le SMA, la FÉLIN, le PROFEDIM et le CALMULC.

La création, le 1er janvier 2020, au terme de nombreuses années de concertation et à la suite de nombreux rapports, du Centre national de la musique est venue combler une forte attente des professionnels de la filière : disposer d’un opérateur capable de coordonner et promouvoir la mise en œuvre d’une politique publique ambitieuse et efficace en faveur de la création musicale française.

Études de marché et observation du secteur, aides directes à la création, promotion des talents à l’export, formation professionnelle, actions de sensibilisation (égalité femmes-hommes, développement durable), appui aux démarches d’innovation… telles sont certaines des missions confiées à ce jeune établissement public, « sorti de terre » durant le premier mandat d’Emmanuel Macron.

Pendant la période de la Covid-19, le CNM, avec l’appui de l’État, a apporté un soutien décisif au spectacle vivant musical, qui était alors confronté à un effondrement de ses revenus, mais également aux autres composantes de la filière, dont il a encouragé la politique d’investissement et d’emploi.

Un financement pérenne non garanti

Alors que la situation économique du secteur en sortie de crise sanitaire est confrontée à de nouveaux chocs, la pérennisation du CNM se pose de manière urgente. Or sur ce sujet le projet de loi de finances pour 2023 observe un silence assourdissant.

COMMENT LE CNM EST-IL FINANCÉ AUJOURD’HUI ?

Le financement de l’établissement repose actuellement sur 3 ressources :

– Une taxe sur la billetterie des spectacles musicaux et de variétés, dont le produit (35 M€ avant l’irruption du Covid-19) s’est effondré durant la période 2020-2021, et dont le retour à la normale reste encore incertain compte tenu de difficultés encore importantes (hausse des coûts, baisse de fréquentation).

– Un financement garanti par l’État à hauteur de 26 M€, qui couvre à la fois les frais de fonctionnement de l’établissement, d’autres missions prévues par la loi et des fonds d’intervention.

– Une contribution des organismes de gestion collective, initialement évaluée à 7 M€ mais qui, du fait à la fois des conséquences de la crise sanitaire et de la jurisprudence européenne du 8 septembre 2020 (arrêt RAAP), a été ramenée à 1,5 M€.

L’absence de contribution financière significative de la musique enregistrée entraîne deux conséquences :

– Il n’existe, à l’exception des différents crédits d’impôt, aucun autre dispositif pérenne destiné à soutenir les autres composantes de la filière musicale (en particulier la production phonographique), dont l’activité est essentielle à la découverte, au développement, à l’accompagnement et à l’exposition des nombreux talents locaux ;
– Le spectacle vivant contribue pour une très large part au financement abondant le CNM, une asymétrie qui ne saurait satisfaire la filière et menace en outre la mise en œuvre des aides transversales appelées de ses vœux par le gouvernement.

Le CNM doit-il rogner sur ses missions essentielles ?

Face à cette équation se pose la question du maintien des missions du CNM : QUE SACRIFIE-T-ON ?

• L’observation de la filière, #ONSACRIFIE ? En l’absence de financement, la production d’études et de baromètres portant sur l’économie et les enjeux de la filière, de même que les classements de ventes, resteront entre les mains des organisations professionnelles et ne déboucheront sur aucune vue d’ensemble. Elles ne permettront pas non plus d’évaluer et de consolider les crédits d’impôts musique (spectacle vivant, production phonographique et édition musicale). Des tâches qui, dans le secteur du cinéma-audiovisuel, sont naturellement dévolues au CNC.

• La diversité musicale, #ONSACRIFIE ? Les aides publiques à la création sont un élément fort de la structuration d’un secteur : elles permettent de renforcer le tissu local de TPE-PME, de favoriser l’investissement et l’emploi et d’encourager la prise de risque artistique. À défaut d’un soutien direct, les acteurs économiques reporteront fatalement leurs priorités sur des projets moins risqués et plus facilement rémunérateurs, et délaisseront les projets les plus fragiles, au risque de la disparition progressive de certaines esthétiques (classique, jazz, chanson française, musiques du monde, musiques de patrimoine et de création, etc.) et d’une uniformisation de la production dans sa globalité. Un désastre pour la création de valeur, que vient accentuer l’incertitude pesant sur la prorogation des crédits d’impôt musique, qui offrent pourtant visibilité et sécurité à la création émergente.

• La souveraineté culturelle, #ONSACRIFIE ? À l’heure où se multiplient les rachats de catalogues par de grands acteurs internationaux, le soutien à la diversité permet à la création française de conserver ses actifs et de promouvoir sa singularité sur un marché de plus en plus mondialisé. Il peut également favoriser l’émergence de champions français et européens des industries culturelles, capables de concourir à notre souveraineté culturelle et à notre renouveau industriel.

• L’exportation de nos productions, #ONSACRIFIE? Le soutien au développement international risque de connaître une brutale décélération, alors même que les certifications de ventes à l’export attestent de performances toujours plus solides de la part de nos artistes sur d’autres marchés.

• L’innovation dans le secteur musical, #ONSACRIFIE ? Alors que les multinationales et les plateformes transforment le secteur et s’emparent des nouvelles promesses technologiques (metaverse, web3, NFT, etc.), les acteurs économiques français risquent d’accuser un sérieux retard dans leur transformation numérique et dans l’anticipation des défis de demain.

• La transition écologique, #ONSACRIFIE ? En l’absence de conseils et de soutien financier, les acteurs de la filière musicale seront démunis face aux exigences toujours plus grandes et urgentes de la transition écologique. L’évaluation de l’empreinte carbone est un dispositif souvent inaccessible aux TPE-PME et l’identification des leviers de progression induit des changements organisationnels profonds, que les entreprises risquent de délaisser.

• La promotion de l’égalité femmes-hommes, #ONSACRIFIE ? La lutte contre les discriminations et les violences sexistes et sexuelles est également affaire de moyens : les dispositifs administrés par le CNM à la demande du gouvernement nécessitent des ressources qui risquent de faire défaut, alors même que la parole se libère.

Pour achever la construction du CNM, une solution consensuelle

Nous plaidons en faveur de l’instauration d’une contribution de l’écosystème de la diffusion numérique au financement de la diversité musicale. Celle-ci serait assise sur l’ensemble des revenus issus des abonnements payants aux formules de streaming musical et des revenus publicitaires ou de parrainage générés par l’exploitation des contenus musicaux (phonogrammes et vidéomusiques) sur l’ensemble des réseaux en ligne. Une contribution très faible, de l’ordre de 1,5%, pourrait suffire à compléter le schéma de financement du CNM sans perturber les modèles économiques.

Un projet finalement peu éloigné de ce qui existe déjà pour le cinéma, où les plateformes financent désormais la production d’œuvres européennes nouvelles, apportant leur pierre à la vitalité de la création locale.

Les contrats unissant plateformes et ayants droit prévoyant en outre la répercussion de toute taxe éventuelle sur les redevances versées à ces derniers, il est peu vraisemblable que les tarifs des abonnements augmentent du fait de cette contribution nouvelle.

Nous demandons donc au gouvernement d’instruire, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, ce projet de contribution afin de doter dès à présent le CNM de moyens pérennes, sans incidence pour le contribuable et le consommateur, mais bénéfique pour la création et les publics.