Pionnier des labels indépendants avec Les disques du Soleil et de l’Acier, disquaire et animateur de conférences autour du monde phonographique, connait le monde des musiques actuelles sous toutes ses facettes. Missionné par le Conseil régional de Lorraine en vue de la mise en place de mesures d’aide à la filière du disque, il publie en parallèle un recueil de ses articles pour le magazine Atem dans les années 70 (Éditions du Camion blanc).
Que rapporter du rôle des labels indépendants à l’heure où certains les mettent dans le même sac que les majors ?
Les labels indépendants, depuis les années 70, ont un rôle primordial dans l’offre de musiques alternatives, non calibrées. Ils ont pris le relais puis remplacé totalement les majors, qui, à partir du premier choc pétrolier de 1973 ont cessé de prendre des risques (n’oublions pas que des disques aussi essentiels que Soft Machine, Captain Beefheart, Zappa et bien d’autres -regardons dans nos discothèques- étaient parus sur des majors, à l’époque. Le tournant qui a réellement séparé indés et majors a eu lieu début des années 80, quand le code barre est apparu sur les disques, que le marketing s’est imposé. Les gens du terrain ont ainsi disparu au par d’autres venus des grandes écoles de commerce, voire de la grande distribution. Autre tournant, la disparition progressive des disquaires au profit des grandes surfaces spécialisées. Le travail des labels indépendants est un véritable travail de passionnés qui, dans l’ensemble, tiennent peu compte de contingences commerciales (même si…) et continuent de proposer une offre culturelle diversifiée, osée et rencontre son public, mais avec difficulté, du fait de la disparition progressive des disquaires. Les indés confirment leur présence sur le marché (26,4% en 2009, +12,8% depuis 2003).
Votre sélection d’articles du magazine Atem raconte lui une histoire d’une contre-culture exigeante et raffinée alors en plein essor ?
Entre 1975 et 1979, une poignée de passionnés créent le fanzine Atem, car la presse de l’époque ne parlait pas ou peu des artistes que nous aimions : Eno, Heldon, Peter Hammill, Tim Buckley, Nico, Steve Reich, Philip Glass, Tom Waits etc. Un peu comme un label indé par rapport à une major, on pourrait presque dire qu’indépendamment d’une réelle volonté, nous avons agi un peu par « défaut ». Si majors et magazines (Rock&Folk, Best) avaient fait correctement leur boulot, nous n’aurions peut-être pas eu envie de créer des labels ou des fanzines… Mais le public existait et a prouvé que nous n’étions pas les seuls à avoir des goûts différents, aidés à l’époque par un réseau important de disquaires qui ne se contentaient pas d’être seulement des VAO (vendeurs assistés par ordinateur) comme c’est souvent le cas actuellement…
Votre mission pour la Région Lorraine vise quels objectifs ?
Un certain nombre de labels des quatre départements lorrains se sont plaint auprès de la Région qu’ils n’étaient pas aidés contrairement à ce qui se pratique dans d’autres régions. Le Conseil régional m’a donc mandaté pour faire un état des lieux, rencontrer les labels (une trentaine), définir leurs besoins et préconiser un certain nombre d’aides que la Région pourrait mettre en place. Les conclusions de cette étude ont été remises à un comité de pilotage « Musiques actuelles » en septembre 2009. Le comité a décidé de poursuivre la réflexion sur les principales préconisations et m’a confié la mission de rencontrer les autres fédérations (Feppra, Feppia, Flim, Apem LR, Feppal, Phonopaca), chiffrer ces aides éventuelles, etc. J’ai également rencontré CD1D et le Calif, mis en place un groupe de travail avec les labels, membres ou pas de la Flippe, la fédération locale de labels indés. Les conclusions de ma mission doivent être remises au comité de pilotage courant avril. Décision sera prise alors sur la suite que la Région voudra bien donner à cette mission.