Frédéric Vilcocq est le Conseiller Culture, Économie Créative et Numérique de la Région Aquitaine. Membre fondateur du festival Garorock (47), il possède une vraie légitimité dans le secteur des musiques actuelles. Dès son entrée en fonction en 2004, alors élu du Lot-et-Garonne, il a souhaité apporter un soutien à l’édition discographique, secteur culturel jusqu’alors oublié contrairement au cinéma ou au livre par exemple.
Comment s’est décidé le soutien de la Région Aquitaine aux labels indépendants ?
Alain Rousset le Président du Conseil régional m’avait demandé de revoir l’ensemble des politiques autour des musiques actuelles. Je me suis intéressé à la filière de la création, mais aussi à l’ensemble des acteurs économiques de la musique enregistrée sous l’angle de la préservation de la diversité culturelle. La Convention de l’Unesco en la matière adoptée en 2005 est l’outil politique et juridique sur lequel nous nous sommes appuyés pour intervenir sur le secteur marchand de la musique enregistrée. Sur un plan économique, cela permet d’aider les labels indépendants qui sont encore les seuls à soutenir l’émergence et le développement de nouveaux artistes, ce que ne font plus les majors.
Quelles actions ont été mises en place ?
Nous avons rencontré et répertorié l’ensemble des labels sur le territoire. Des tables rondes ont été organisées dans une logique de co-construction de politiques publiques. Les dispositifs ont ainsi été co-écrits avec les acteurs de la filière. Un programme de soutien à la production phonographique a ainsi été adopté en 2006 avec un budget de 40 000 €, porté aujourd’hui à 80 000 €. Après l’aide à la production, il fallait un outil fédératif pour construire un discours commun auprès des collectivités territoriales. Nous avons ainsi aidé à la création de la Feppia, la Fédération des labels aquitains. Les discussions qui ont suivi ont révélé le problème de la distribution physique, de par la disparition des disquaires et la difficulté d’accès aux grandes surfaces spécialisées. Ainsi toujours dans notre rôle de financeur d’outils structurants sur le territoire, il s’agit aujourd’hui de favoriser un dispositif de distribution pour la Feppia dans les 40 points de ventes des Librairies Atlantiques (NDR : association de libraires aquitains) par l’intermédiaire de notre agence Écla (NDR : Portail aquitain des professionnels de l’écrit, de l’image et de la musique). Enfin la plate-forme 1d.Aquitaine a été financée par le département TIC de la Région Aquitaine.
Quels sont les chantiers souhaitables sur le plan national ?
Une dizaine de régions ont commencé à mettre en place des dispositifs de soutien à la filière discographique. Il faut les généraliser selon deux logiques : le soutien à la diversité culturelle et musicale, afin que toutes les esthétiques même les plus difficiles puissent exister. Il faut aussi appréhender les acteurs du disque comme des acteurs économiques, avec donc une vraie légitimité à les soutenir. Les labels indépendants aux structures plus souples que les majors ont en effet de nouveaux modèles à inventer. Ainsi les collectivités locales doivent investir dans ce temps de réflexion, comme on finance l’ingénierie de recherche des entreprises. Enfin pendant les auditions préalables à l’élaboration de lois concernant la filière musicale, il est anormal que seuls le Snep et l’UPFI (NDR : syndicats du disque) soient auditionnés car ils ne portent pas le même discours que la Feppia par exemple. Lors de la procédure législative pour l’Hadopi, j’avais organisé l’audition de la FÉLIN après la publication de sa lettre ouverte fondatrice « La création sacrifiée ». Ce rôle de lobbying est essentiel pour faire comprendre la réalité des labels indés et de leurs besoins. Les fournisseurs d’accès à Internet ont ainsi été taxés pour le cinéma, il est anormal que la musique en ait été complètement écartée.