LES ARTISANS DE LA MUSIQUE FACE AU “RAPPORT LESCURE”

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Après plusieurs mois de concertation et d’auditions pour dessiner les contours d’une politique culturelle 2.0, les 80 propositions présentées le 13 mai par la mission “Lescure” renvoient désormais le monde politique (gouvernement, parlementaires, élus territoriaux) à ses responsabilités pour impulser, dans les plus brefs délais, une vision ambitieuse, susceptible de répondre aux enjeux, aux urgences et aux déséquilibres qui traversent depuis 20 ans le vaste secteur culturel.

Les organisations que nous représentons (regroupant plus d’un millier de salles, labels, producteurs, écoles de musique, festivals, radios associatives, issus du secteur indépendant) saluent les propositions contenues dans ce rapport. Dans la continuité des réflexions collectives engagées depuis près de deux ans, cette somme d’idées participe clairement selon nous à poser les bases de l’inévitable sursaut qui doit secouer le monde culturel. De nombreuses idées avancées dans ce rapport viennent faire écho à des propositions que nous défendons au travers de nos trois organisations depuis plusieurs années, dans une logique d’intérêt général et de rééquilibrage urgent de la filière musicale. Ainsi :

  • – la nécessaire régulation de l’Etat : longtemps abandonné au seul secteur marchand, il est essentiel que la puissance publique (à différentes échelles) assume, de façon innovante, ses missions et ses fonctions de défense de l’intérêt général et du bien commun culturel et traduise enfin une vision nouvelle d’une culture ouverte, multiforme et partagée.
  • – La recherche de nouvelles ressources et d’une fiscalité sécurisées : rien ne se fera sans argent et sans faire participer, de façon légitime ceux qui tirent des bénéfices commerciaux de la circulation des catalogues artistiques. TST-D, taxe sur le matériel… autant de pistes qui nécessiteront de porter le débat à une échelle européenne avant de savoir réellement de quels moyens disposeront les acteurs pour donner corps à cette dynamique de refondation.
  • – la gestion collective des droits sur internet (celle des artistes comme celle des producteurs) : véritable innovation réclamée depuis longtemps par les défenseurs d’un partage juste de la valeur, elle dessine un cadre commun susceptible de sortir enfin des situations de gré à gré qui plombent l’émergence d’une offre légale variée et accessible (en rappelant la nécessité d’y associer organisations professionnelles, syndicats et sociétés civiles d’artistes et de producteurs). Le spectacle vivant doit également participer à ces réflexions, à l’image de la piste du droit sui generis.
  • – le rôle-clé des acteurs de la médiation culturelle : à l’instar des bibliothèques/médiathèques, les missions, les métiers et les projets (souvent proches des territoires et des créateurs) de ces acteurs clés de la diffusion et de l’action culturelle doivent être renforcés en même temps qu’ils se réinventent.
  • – le soutien aux initiatives collaboratives, indépendantes, aux formats ouverts et à l’innovation partagée : bien que transversales au rapport, ces notions restent en l’état des intentions qu’il est essentiel de traduire de façon concrète, comme le projet de Centre national de la musique (CNM) avait pu en poser les bases.
  • – l’ouverture aux arts numériques et aux approches transversales : à l’heure où le transmédia s’impose comme une nouvelle forme d’écriture et d’évidence pour nombre de créateurs, le rapport élargit pour la première fois le débat aux nouvelles formes créatives, tout en appelant à la nécessaire coordination des politiques nationales et territoriales. L’enjeu central reste bien d’inventer un avenir commun plutôt que de défendre les intérets particuliers et corporatistes de telle ou telle filière.
  • – Arrêter de stigmatiser les usagers pour se concentrer sur la contrefaçon commerciale : la question d’Hadopi, malheureusement maintenue dans un volet répressif, reste loin d’être centrale à nos yeux. Elle ne fait que souligner l’erreur fondatrice de vouloir traquer les citoyens plutôt que les entreprises qui font depuis des années commerce de l’illégalité.

Les dégâts de près de 20 ans d’aveuglement et d’attentisme, au seul profit des industriels, sont pourtant là : la sortie de ce rapport, et le temps mécanique de le voir produire ses premiers effets, ne nous permettent pas, dans nos réalités économiques quotidiennes, d’oublier l’urgence de la situation et l’absence de dispositifs adaptés à nos modèles économiques (majors et PME pouvant s’appuyer pour faire face à la crise sur la rente économique tirée de back catalogues souvent conséquents).

La culture n’est pas qu’une “industrie”. Les dizaines de milliers d’artisans de la création – qui forment aujourd’hui l’essentiel du travail de découverte, d’émergence et de production – tissent depuis toujours, sur l’ensemble du territoire, un maillage unique qui est en train de s’effondrer. Attendons encore un an ou deux et ce seront des dizaines d’acteurs historiques qui auront disparu. Si le nouveau gouvernement avait besoin, pour ouvrir une nouvelle page de l’histoire culturelle, d’un rapport riche de propositions modernes et ambitieuses, c’est chose faite. Il convient désormais que tous les acteurs se mobilisent d’ici l’été afin de traduire concrètement ces idées en mesures : artistes, producteurs, diffuseurs, ministères (culture, éducation nationale, économie numérique), parlementaires, collectivités territoriales

Le rapport Lescure ouvre sur sa volonté de proposer une nouvelle “façon de marcher”. Pour les artisans de la musique, c’est de courir et de survivre dont il s’agit désormais.

CONTACTS

Cédric CLAQUIN : 06 21 07 29 42 – cedric.claquin@cd1d.com

Dorothée Anton : 01 42 49 21 16 – administration@sma-syndicat.org