Les politiques publiques, gardiennes de la diversité musicale en France, en Europe et au Québec

Le rôle des pouvoirs publics est d’”assurer le développement équilibré du secteur et préserver la diversité musicale” 

Arthur de Rohan-Chabot DGMIC – ex Ministère de la Culture (actuel directeur de la SPPF).  Pour clore, cette grande enquête sur la découvrabilité, nous abordons, dans cette table-ronde, l’accompagnement et de la régulation des pouvoirs publics en France, en Europe et au Québec.

 

Table ronde modérée par Philippe Bouquillion (Enseignant – chercheur LABEX ICCA – Université Sorbonne Nouvelle), avec la participation de :

Arthur de Rohan-Chabot, chef du bureau de l’industrie musicale, Ministère de la Culture (DGMIC) lors de l’échange. Actuel directeur SPPF

Céline Lugué, responsable du pôle veille et prospective, Centre National de la Musique

Matthieu Philibert, director of publics affairs, IMPALA

Jean-Robert Bisaillon, spécialiste de la découvrabilité et des métadonnées, LATICCE

Michèle Rioux, spécialiste de la découvrabilité et des métadonnées, LATICCE

Les participants s’accordent sur la nécessité d’actions multiples et coordonnées, incluant mesures d’observation, transparence des plateformes, régulation adaptée aux nouveaux modèles, et soutien aux créateurs et labels indépendants pour garantir la diversité culturelle face à un marché ultra-concentré.
podcast politiques publiques

Table ronde : Extraits

1. Arthur De Rohan-Chabot (Ministère de la Culture) — Sur la politique publique et les défis de la diversité musicale

“ La régulation n’est pas l’alpha et l’oméga sur ce sujet, c’est un des piliers de l’édifice. “

“ Assurer le développement équilibré du secteur, en préservant la diversité culturelle, tant au niveau de la création, de la production, de la diffusion, tant en amont qu’en aval de la chaîne de valeur. “

“ Dans un univers numérique où l’accès au contenu est concentré entre les mains d’un nombre très réduit d’acteurs, cela pose un certain nombre de questions à différents niveaux : la concurrence internationale, la perte de contrôle sur l’exposition des contenus nationaux, et le fait que chaque écoute est une transaction. “

“ Nous travaillons avec nos homologues québécois depuis 2019 à une stratégie commune en matière de découvrabilité des contenus francophones en ligne. “

“Traiter la découvrabilité comme un enjeu qui fait partie intégrante de l’économie des musiques enregistrées. ”

“ Avant la prise de mesures en matière de contrainte et de régulation des plateformes, il est nécessaire d’objectiver en définissant des indicateurs qui permettent de démontrer l’existence ou non d’un besoin (et de son degré) de régulation. Une démarche déjà envisagée (qui subsiste) est d’introduire une obligation de transparence visant la transmission d’indicateurs de mesure par les plateformes pour faire état des degrés d’exposition offerts aux contenus. “

 

2. Matthieu Philibert (IMPALA) — Sur la concentration du marché et la nécessité d’indicateurs publics

“ 80 % des streams sont accaparés par 1 % des artistes, ce qui veut dire que 99 % des artistes se battent pour les 20 % restants. “

“ Le streaming génère 64% des revenus de l’industrie musicale. C’est le 1er poste de revenus.” 

“ Il nous manque souvent des chiffres. Les chiffres sont détenus par les plateformes et notamment par l’IFPI, représentant les majors. Il serait essentiel d’avoir des données publiques pour pouvoir cartographier le marché. “

“ Les majors ont des accords avec les plateformes principales qui leur garantissent un certain niveau de visibilité dans les playlists globales. Nous avons besoin de plus de transparence – des algorithmes et des pratiques des plateformes – et si besoin, dans un deuxième temps de régulation. “

“ La question de la concurrence est centrale. Les trois majors, notamment le duo-pôle Universal et Sony, contrôlent le marché. ”

 

3. Céline Lugué (CNM, Centre National de la Musique) — Sur les efforts d’observation et les défis de la collecte de données

“La question de l’observation, de la mesure, est vraiment au cœur des priorités du CNM.”

“ Nous avons ajouté un volet sur le streaming dans  notre étude sur la diversité musicale qui analyse les plateformes (Spotify, Deezer, Apple Music, YouTube Music, Qobuz, etc.) avec de nombreux indicateurs : tonalité (féminine/masculine), genres musicaux et leur répartition, langues chantées (francophones/non francophones)….”

“ Effectivement, nous n’avons pas d’autorité pour contraindre les plateformes à transmettre les données. On l’a fait par la voie partenariale. Ce serait plus simple avec un cadre juridique qui contraigne à la transparence. “

“ Il faut fondamentalement associer la recherche pour documenter, par exemple, l’impact des playlists éditoriales sur l’émergence, des artistes confirmés sur les effets boosts… Les travaux de recherche (notamment du CNM Lab et les chercheur.euse.s) nourrissent les réflexions sur les leviers d’actions (financières, le système de recommandation “What the France” du CNM,…). “

“ La taxe streaming contribue déjà à la production via la redistribution. ”

 

4. Jean-Robert Bisaillon (LATICCE, Québec) — Sur la régulation et les indices de découvrabilité

“ Ce problème n’est plus national : il concerne aujourd’hui un oligopole mondial, principalement 3 entreprises de distribution d’enregistrement sonore et 3 à 5 plateformes de diffusion continue en ligne. “

“ Nous avons travaillé depuis 2018-2019 sur une preuve de concept : démontrer qu’il est possible de mesurer la découvrabilité, de voir si elle se détériore ou s’améliore. ”

“ La loi C11 au Canada cadre la découvrabilité des contenus musicaux sur les plateformes. […] Le Québec réfléchit même à  intégrer un droit à la découvrabilité dans la Charte des droits et libertés du peuple québécois. ”

“ On ne peut pas laisser les plateformes s’autoréguler. C’est le résultat à la fin de l’année qui comptent pour elles, pas la diversité musicale. ”

“ La loi C11 est un pas vers la taxation du streaming (une tarification des revenus bruts à 5 % pour les plateformes de streaming au Canada) pour réinjecter dans la production, mais elle se heurte à l’opposition de la Digital Media Association (DIMA), basée à Washington. »

“ Il faut des identifiants uniques, normés et internationaux pour identifier puis mesurer les titres de manière non ambiguë. “

 

5. Michèle Rioux (LATICCE) — Sur la coopération internationale et la puissance des plateformes

“ Tout le monde doit faire sa part : l’industrie, les plateformes, les gouvernements. ”

“ Il y a un réel problème de négociation internationale avec des acteurs privés très puissants. ”

“ Tendre vers une gouvernance transnationale en concertation et via une organisation des efforts pour que les lois communes puissent être appliquées par les Etats-Unis et les plateformes”

“ Intégrer la société civile dans le débat public. ” 

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