Romain Germa de Makasound : « Expliquer ce que sont les labels indépendants »

logo makasoundAprès l’arrêt des activités du label français de reggae Makasound, Romain Germa a publié un billet pour Libération. Il y dénonce notamment l’impasse économique imposée par les plates-formes de streaming comme Deezer ou Spotify. Les commentaires sur le site et les réactions médiatiques méritaient de sa part un complément.

Quels commentaires et réactions vous ont le plus marqué ?

Il y a eu de nombreuses réactions sur le site de Makasound et des médias (Mondomix, France Inter, etc.) ont voulu m’interviewer. Nous avons eu également beaucoup de messages de soutien de labels indépendants et de ceux qui suivaient notre label. J’espère que cela a entrainé une réflexion un peu moins « hargneuse » sur le sujet. Les réactions sur le site de Libération rendent compte du fossé qui existe entre la réalité des labels indépendants et une partie du public, qui nous confond allègrement avec les majors du disque. Les réactions du type « c’est bien fait pour vous, vous l’avez cherché » outre le fait qu’elles ne sont pas très agréables, montrent qu’une partie de l’opinion envisage l’industrie du disque juste à travers Universal et son représentant médiatique Pascal Nègre. C’est-à-dire showbizz, champagne et pubs sur TF1. Cela veut certainement dire que la diversité musicale existante est très mal représentée dans les médias. Et aussi que les artistes et les labels « indé » ne se sont pas assez fait entendre ou comprendre. Il faut continuer d’expliquer ce que sont les labels indé, notamment leur rôle essentiel de découvreur d’artistes, de courants, bref, ce que le public aime ensuite écouter.

Avez-vous déjà des projets, notamment bâtis sur le capital humain et savoir-faire de Makasound ?

Nous rencontrons actuellement du monde, réfléchissons et essayons d’envisager une suite, un nouveau projet qui serait un prolongement de ce que nous avons fait. Oui nous voulons continuer le travail avec nos artistes, en découvrir et faire découvrir d’autres.

Quel avenir prévoyez-vous pour les labels indépendants ? Quelles solutions préconisez-vous, à l’initiative des labels, mais aussi sociétales et législatives ?

J’imagine que certains labels vont continuer à fermer ou à se mettre en veille, le temps qu’une économie un peu plus lumineuse se bâtisse. Je souhaite que cette période soit la plus courte possible. A nous aussi, labels indépendants, de trouver les solutions les mieux adaptées à notre survie, notre développement.
Il serait bon que l’État vienne un peu plus en aide aux labels indépendants, que le mécanisme du crédit d’impôt soit élargi et renforcé. Cela permet d’encourager la production. Je milite fortement pour qu’il s’applique aussi aux productions non francophones. Dans notre cas, nous n’avons pas pu en bénéficier car nous travaillons majoritairement avec des artistes étrangers. Pourtant je pense que notre travail est « important » et que cette notion de francophonie n’a pas de sens aujourd’hui. On doit plutôt s’ouvrir et regarder le monde avec sympathie qu’avec peur.
Je milite aussi pour une taxe sur les fournisseurs d’accès, qui permettraient d’amortir la décrépitude de notre économie et encouragerait la création. Et pourquoi pas un mécanisme appliqué à la musique semblable à celui du CNC (NDLR : Le Centre national du cinéma et de l’image animée organisme public soutient financièrement les industries cinématographiques).

Comment les artistes indés pourront trouver leur public si les labels indépendants disparaissent ?

C’est une question sérieuse. Depuis 10 ans, les majors signent de moins en moins de nouveaux artistes et prennent le moins de risques possibles. Ce rôle, même s’il l’a toujours été, est encore plus dédié aux labels indépendants. Or ceux-ci sont encore plus fragilisés par la crise du disque. Par ailleurs les médias TV et radios sont suspectés de resserrer encore plus le panel d’artistes qu’ils présentent. Sans parler des disquaires comme la Fnac qui ne prennent tout simplement plus un album si son potentiel de ventes n’est pas au minimum de quelques milliers. Il y a un sérieux risque sur la diversité. Je ne vois pas, mis à part exception, un groupe qui explose tout seul via internet et le live. D’ailleurs cela impliquerait qu’il passe du temps sur sa propre promotion et son développement, donc comment se passer des labels indépendants ? Il risque en revanche y avoir une valse avec certains d’entre eux qui ferment et de nouveaux qui se créent et développent un modèle plus moderne et performant sur les nouvelles exploitations et moyens de diffusion. Quoi qu’il en soit, il faudra toujours des personnes organisées et motivées, pour mettre leur énergie au service des artistes.

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