Matcha est un label indépendant grenoblois dont l'activité principale est l'enregistrement sonore et l'édition musicale. Ses activités secondaires sont la diffusion, la gestion de droits d’auteurs et voisins, le publishing. Nous aimons travailler en famille avec des artistes locaux que nous développons progressivement jusqu'à l'échelle internationale. L’objectif de la société Matcha est d’asseoir et de pérenniser son activité principale de production discographique sur les projets qu'elle défend en complémentarité avec ses activités secondaires. Nous veillons ainsi à un équilibre à 360° entre les besoins des artistes et les complexités conjoncturelles.

1. Comment s’est créé ton label, dans une industrie musicale en bouleversement ?

Le label indépendant Matcha a été créé au départ pour défendre et développer la carrière de Yoanna, artiste genevoise chanteuse et accordéoniste.
Suite au départ de sa manageuse, j’ai fait une reprise de la société en 2011 après avoir expérimenté une première aventure dans une salle de spectacle, premières diffusions donc.
Sur mon territoire, j’ai pu constater le foisonnement d’artistes de qualité qui n’avait pas d’entourage et cherchaient à être accompagnés dans leurs projets artistiques. J’ai donc décidé de m’investir et d’investir financièrement sur des projets de mon territoire uniquement.
A mon sens, le territoire sur lequel on vit est un merveilleux incubateur à l’expérimentation, la réflexion, à la création. 
Pour la diffusion, c’est une autre histoire, il s’agit bien sûr de bien s’entourer pour permettre aux œuvres et aux projets artistiques de dépasser les frontières.
J’ai développé ce label, car ma sensibilité se porte sur l’œuvre musicale originale ; celle qui va interroger, déranger, conforter, sublimer ; celle qui peut se targuer d’être d’utilité publique.
Dans cette industrie musicale en bouleversement, je pense que le label est plus que jamais l’allié n°1 de l’artiste. 
Le label investit, prend des risques, tisse des partenariats, créé une stratégie, ouvre des horizons, maîtrise la chaine de production. Autant de tâches indispensables à l’émergence de nouvelles oeuvres musicales originales. Sans cet atout majeur, il me semble difficile pour l’artiste de développer et promouvoir ses oeuvres dans de bonnes conditions.

2. Quelles ont été tes erreurs et réussites ?

Mes erreurs ont été les tâtonnements du début ; le manque de moyens pour fidéliser les partenaires, négliger ma part salariale de label manager/agent/gérante, accepter trop de compromis sans mettre le holà, vouloir tout gérer toute seule, ne pas appuyer sur pause pour avoir une vision globale.
Depuis 2011, le label produit un album par an.
Depuis 2014, nous sommes une administratrice et deux chefs de projets.
Depuis 2015, j’investis par album entre 30 000 et 60 000€.
De la création du répertoire à la date de commercialisation des œuvres, il est à mon sens nécessaire de prendre son temps, soit au minimum un an pour ne rien négliger et travailler tous les postes.
Mes réussites se sont fondées sur l’humain, le lien entre un artiste et son label, l’ouverture du label, le réseau partenarial du label (institutions, sociétés civiles, distributeurs, promoteurs,…), le fait de déléguer pour apprendre, la création de modules de formation pour transmettre et prévenir.
Je suis très attachée à l’indépendance même si dans la création, nous devons faire des compromis quant à nos dépendances aux aides, ce qui pose une réelle question quant à la dimension d’utilité publique des œuvres originales.
J’ai du repenser au fil des années le modèle économique du label étant donné que les disques ne se vendent (pratiquement) plus qu’en concert et l'apogée d'internet.
Aujourd’hui, je suis fière de travailler aux côtés d’artistes et d’artisans qui vivent des projets artistiques professionnels que nous développons ensemble.

3. Selon toi, quels sont les éléments nécessaires aujourd'hui pour continuer à exercer ce métier ?

Pour continuer à exercer ce(s) métier(s), il est fondamental pour moi d’avoir une bonne connaissance du juridique, des différents contrats, des cahiers des charges des partenaires associés mais aussi un maillage visible, de la transparence pour la confiance, un rétroplanning précis, un budget prévisionnel ambitieux géré au cordeau, une équipe de production solide, une stratégie commune à chacun des maillons de la chaîne (artiste, label, tourneur, distributeur, réalisateur, promoteur, éditeur …) et de la détermination.
Je pense que la bonne gestion des droits d’auteurs et voisins est incontournable dans le développement de carrière d’un artiste.
Il est indispensable de rémunérer correctement les artistes, les intervenants, les développeurs, les prestataires, valoriser le travail de chacun.
A mon sens, la diversification avec le tour & le publishing est fondamentale et cohérente avec mon activité principale car elle permet d’avoir une économie à 360°.
Je cherche sans cesse à partager les expériences, ouvrir les réseaux, réaliser des co-productions, des co-éditions, mutualiser les savoirs, les compétences, ce qui me permet d’aller toujours plus loin dans le développement de mes activités professionnelles.
Je serai ravie de répondre aux questions de collègues d’autres labels et de leur en poser (j’en ai plein!) 🙂 on en apprend tous les jours.

Visiter le site du label : matchaprod.fr
Crédit photo ©Yannick Siegel