Manivette Records (Les Editions du Gabian) est une société de production et d’édition phonographique créée en octobre 2004 et dirigée par Emmanuelle Tirmarche. Basée à La Ciotat, ville portuaire méditerranéenne, Manivette Records s’est constituée avec la volonté de promouvoir et de donner un espace d’expression à la création contemporaine occitane, notamment celle du pourtour méditerranéen, tout en s’ouvrant aux cultures du monde. Parallèlement Les Editions du Gabian éditent les oeuvres de Moussu T e lei Jovents, de Gigi de Nissa et dernièrement de Massilia Sound System. Fortes d’un catalogue d’une centaine de titres, Les Editions du Gabian soutiennent activement la création de ces artistes occitans.
1. Comment s’est créé ton label, dans une industrie musicale en bouleversement ?
Même si le label est relativement récent (2004), j'ai le sentiment que lorsqu'il a été crée, l'industrie musicale n'était pas tombée aussi bas qu'aujourd'hui ! En tout cas du point de vue des labels indépendants ou des PME. C'était le tout début du téléchargement et les plateformes de streaming n'avaient pas encore autant d'importance qu'elles ne l'ont actuellement... On pouvaient encore faire de belles choses en termes de ventes physiques ! Mais j'ai subi de plein fouet ces bouleversements et aujourd'hui encore je ne suis pas au top me semble-t-il mais on y reviendra plus tard...
Le label a vu le jour pour répondre a un besoin direct : sortir le premier disque de Moussu T e lei Jovents, un tout nouveau projet que j'essayais de placer auprès de différents labels / maisons de disque... Essuyant de toute part des refus, même si le projet séduisait, j'ai eu la chance d'avoir une réponse positive du Chant du Monde, un label d'Harmonia Mundi. Mais c'était une proposition de licence et il fallait donc produire le disque et apporter le produit fini ! Je me suis alors remontée les manches et j'ai monté la structure de production et d'éditions Manivette Records. Dans le même temps nous avons monté une association pour la diffusion des spectacles du groupe puisque, tels les artistes avec lesquels je travaille, je ne peux envisager de musique sans partage donc sans concerts ! Être confronté au public est le meilleur des indicateurs en terme de proposition artistique.
2. Quelles ont été tes erreurs et réussites ?
Ma principale erreur est d'avoir cru que des maisons de disques bien plus grosses et puissantes que la mienne étaient inébranlables : jamais je n'aurais imaginé qu'Harmonia Mundi n'aurait pas su prendre le tournant inévitable et aurait été rachetée... en terme de distribution internationale c'était une entreprise magnifique. Mais il faut croire que non ! J'ai fait le choix de ne pas continuer avec les repreneurs et ai préféré construire de nouveaux partenariats en terme de distribution et de promotion, privilégiant des relations plus humaines et de proximité, ce qui est plutôt positif en soi.
D'autre part j'ai certainement sous-estimé ce bouleversement technologique qui est survenu au cours des années 2000 : il faut bien constater aujourd'hui que les lecteurs CDs deviennent des objets de collection. C'est plus que la révolution de l'industrie musicale que nous subissons c'est un changement dans l'industrie tout cours : automobile, marché des téléphones portables, des ordinateurs, que nous ne pouvons maitriser... c'est une adaptation subie. Et personnellement j'ai du mal à concevoir la musique en terme de "single", symptôme de notre société de consommation et du tout jetable, pour moi chaque artiste a son univers particulier qu'il approfondit ou met en perspective tout au long d'un album, il me semble que nous devons encore prendre le temps de la découverte, de l’immersion et nous, label, de défendre les singularités de nos artistes. Le problème étant que nos coûts de production n'ont pas diminué pour autant et ne suivent pas la diminution des recettes provenant des ventes physiques... Le numérique ne rapporte toujours pas suffisamment pour pallier le manque de recettes.
Du côté des réussites je crois que je suis très fière d'avoir le catalogue que j'ai monté : j'aime la musique que je défends au quotidien et je suis très enthousiaste vis à vis de la langue et la culture occitanes que je contribue à promouvoir : c'est un combat supplémentaire mais très motivant, il pallie à l'uniformisation de l'offre culturelle et suscite un intérêt complémentaire à l'étranger.
3. Selon toi, quels sont les éléments nécessaires aujourd'hui pour continuer à exercer ce métier ?
Pour rester pragmatique j'ai l'impression qu'il est important d'avoir une bonne grosse dose de motivation, un environnement le plus large possible : partager avec les collèges, savoir s'entourer pour être au fait de l’actualité sociale, fiscale et légale grâce aux fédérations, aux syndicats, et prendre le temps de discuter avec les artistes eux-mêmes pour bien connaitre leur projet et savoir jusqu'où ils sont prêts à aller en terme d'investissement, pas forcément financier mais artistique, politique et aussi humain. Chaque expérience est bonne à prendre et de toutes situations il faut savoir tirer profit. Il convient aussi de savoir s'entourer de personnes compétentes ou suffisamment motivées pour apprendre et rester à l'écoute de ce qui se fait à tous les niveaux (aides financières, lois, formations, expériences...). Le principal étant d'avoir une bonne gestion, de bons outils et de faire appel à toutes les ressources mises à notre disposition via les sociétés civiles (SPPF, SCPP, ADAMI, SPEDIDAM...), l'état (le FCM, le crédit d'impôt, FONPEPS, etc.), la région et tout ce qui existe ou qui reste encore à découvrir... et vive la révolution !... numérique...
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